Les caissières ne sont pas près de voir la lumière du jour
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Les caissières ne sont pas près de voir la lumière du jour
Lien : Les Quotidiennes
Unia s’insurge contre un document du SECO qui inciterait les employeurs à supprimer les pauses supplémentaires destinées au personnel de vente privé de lumière naturelle. Les mesures compensatoires étaient impossibles à appliquer, rétorquent en chœur d’administration fédérale et les représentants du commerce de détail.
Faudra-t-il offrir des séances de luminothérapie aux caissières pour mettre tout le monde d’accord? Le syndicat Unia ne décolère pas depuis la publication d’un aide-mémoire par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) en septembre dernier. Ce document vise à faciliter l’exécution des mesures compensatoires destinées au personnel de vente privé de lumière naturelle. En grande majorité des femmes. Techniquement, il s’agit de préciser et de diversifier les mesures décrites par le commentaire de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail. Lequel indique qu’une pause supplémentaire par demi-journée, rétribuée, doit être octroyée aux employés concernés. Ceux-ci doivent également pouvoir effectuer une rotation avec des postes de travail bénéficiant de lumière naturelle. Ce récent aide-mémoire permet à l’employeur de ne pas accorder ces pauses. A la condition suivante: le personnel doit être informé à propos de l’importance de la lumière et pouvoir soit effectuer une rotation, soit s’approcher de temps à autre d’une source de lumière naturelle.
«Dans les faits, les pauses sont supprimées, s’insurge Anne Rubin, porte-parole d’Unia. Car il est beaucoup plus simple pour l’employeur d’appliquer les autres mesures compensatoires, très abstraites et non quantifiables. Comment vérifier qu’une personne peut effectivement se diriger vers une fenêtre?» Le syndicat demande le retrait pur et simple de ce document. Il reproche au SECO de ne l’avoir ni informé, ni invité à prendre part aux décisions. Le fait que Giusep Valaulta, chef adjoint du secteur Conditions de travail du SECO, organe ayant édicté l’aide-mémoire, siège dans le conseil d’administration de Coop, achève de semer le trouble.
«Pression des représentants du commerce de détail»
De son côté, le SECO se justifie. «Monsieur Valaulta ne s’est pas occupé de ce dossier, assure Antje Baertschi, suppléante de la cheffe du service de communication. Le commerce de détail ne figurant pas parmi ses domaines d’activité, nous estimons qu’il n’y a pas conflit d’intérêt.» Pour Anne Rubin, l’administration fédérale doit être totalement neutre. «Ses employés, payés par les contribuables, ne devraient pas faire partie de Conseil d’administration d’entreprises dont on pourrait soupçonner qu’elles peuvent générer un conflit d’intérêt.»
Dans le cas précis, Unia estime que le SECO a édicté cet aide-mémoire sous la pression des représentants du commerce de détail dont Coop, Migros et Swiss Retail, association des moyennes et grandes entreprises du commerce de détail. Ces partenaires ont en effet participé au groupe de travail destiné à édicter l’aide-mémoire, en collaboration avec les représentants de services cantonaux d’inspection du travail. «Les pauses compensatoires, introduites en 2003, n’ont pas fait preuve d’une efficacité suffisante jusqu’ici, raison pour laquelle d’autres solutions ont été recherchées », répond Antje Baertschi. Ces pauses n’étaient en effet que rarement octroyées (lire ci-dessous). Interrogés, Coop et Migros donnent mot pour mot et par écrit la même réponse. «Il n’est pas possible de définir précisément quels employés dans quels rayons et sous quelles conditions auraient le droit de bénéficier d’une pause supplémentaire.»
Anne Rubin ne capitule pas. «Des contrôles ont en effet prouvé le non respect de ces pauses. Cela ne change rien aux problèmes de santé induits par le manque de lumière naturelle. En réagissant ainsi, le SECO donne l’impression que les grands distributeurs sont au-dessus des lois.»
Fumer pour aller plus souvent à la lumière du jour
Marc* a perdu son emploi de cadre dans un grand magasin. «Parce que j’essayais de faire appliquer au moins une partie des pauses dont peuvent bénéficier les employés n’ayant pas accès à la lumière naturelle», estime-t-il. Responsable de l’horaire de ses collaborateurs, Marc a constaté que ces espaces de vingt minutes n’étaient tout simplement pas prévus. «La raison est évidente. Si chaque personne concernée prenait effectivement ces vingt minutes supplémentaires par demi-journée, il faudrait engager du personnel.» Quelles étaient les consignes? «Par oral, on nous a dit qu’il ne fallait pas appliquer ces pauses. Les récalcitrants n’auraient pas d’augmentation.» Constatant que certains collègues recommençaient à fumer pour se rendre plus souvent à la lumière du jour, Marc essaie de leur accorder au moins cinq minutes additionnelles. Il soupire. «Dès cet instant, je suis passé de très performant à très mauvais aux yeux de mes supérieurs. J’ai fini par me faire licencier.» Au final, il juge que l’aide-mémoire édicté par le SECO ne péjorera pas une situation «déjà mauvaise». «Le problème, c’est qu’au lieu de remettre les entreprises à l’ordre, le SECO les conforte dans leurs pratique peu respectueuse de la santé des employés.»
*prénom d’emprunt
«Une pause, c’est la mesure la plus concrète.»
Vendeuse depuis une dizaine d’années au sous-sol d’une dans une grande surface, Ariane* n’a jamais bénéficié de pauses supplémentaires pour compenser l’absence de lumière naturelle. «On nous a dit que personne ne travaillait dans les conditions qui y donnaient droit. J’ai bien compris qu’il ne valait pas la peine d’insister.» Cette employée a précédemment œuvré dans l’approvisionnement de marchandises, à des étages inférieurs. «Il y avait encore moins de lumière. Je me suis carrément acheté une lampe de poche!». Ariane* demande à changer de place, ce qui est accepté. « Lors d’un contrôle de l’inspection du travail, nous avons eu la confirmation que nous pouvions bénéficier de pauses supplémentaires. Mais juste après, notre employeur a affiché des pancartes disant cette fois par écrit que dans notre cas, nous n’y avons pas droit. » Pour toute compensation, Ariane et ses collègues sont autorisées à aller prendre une boisson une fois ou deux dans la journée. «Le problème, c’est qu’il n’est pas toujours facile de s’éloigner de son poste de travail. Les vendeuses peuvent difficilement quitter leurs caisse, et les autres employés, comme les magasiniers, risquent de ne pas pouvoir terminer leur tâche journalière à temps.» Ariane regrette que l’aide-mémoire du SECO élargisse les possibilités de compensation à l’absence de lumière naturelle. «Une pause, c’est la mesure la plus concrète.»
*prénom d’emprunt
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